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Quel suivi pour quel patient ? Qu’est ce qu’un patient Hikikomori ?

Cet écrit est né d’un échange avec Ael, de notre volonté commune de libération et d’interprétation du phénomène Hikikomori, et ne veut en aucun cas se revendiquer comme vérité absolue, dans tous les sens que cela pourra vous évoquer. Il sert d’abord à vous partager une vision du phénomène et se veut solliciteur de continuité dans la recherche. Je vous attends en fin de lecture afin d’avoir vos avis, vos critiques et pistes à suivre.

La plus grande force de l’homme est son adaptation. Peu importe ce que la vie, le monde, nous proposera, nous nous battrons pour survivre et trouver notre place. Peu importe la nature de l’événement, qu’il soit bon ou mauvais, nous allons devoir apprendre à vivre avec, et pour cela, nous allons chercher à comprendre pourquoi cela nous est arrivé.

Pour trouver les raisons de cet événement nous allons devoir faire des liens : pourquoi moi ? Et pas un autre ? Tel est notre fonctionnement rationnel, qui nous pousse à resituer notre place dans ce qui nous arrive afin de ne pas perdre la raison. Ne plus chercher à savoir pourquoi, ou ne plus pouvoir le faire, revient à laisser entrer une faille dans notre système. Et cette faille ne pardonne pas. Lâcher prise, abandonner la quête de sens, revient à s’aventurer par delà la frontière qui nous sépare de la logique. Bien que logique ne veuille pas dire raisonné ou juste, la logique reste un mécanisme qui fait sens pour chacun, un mécanisme qui, par A plus B, nous démontre que ce qui nous est arrivé a du sens. Abandonner ce mécanisme c’est avancer sans raison, sans limite, car la personne que nous sommes n’a plus de volonté identitaire, nous n’avons plus à prendre en compte nos désirs, notre projection de nous-même, notre pouvoir de décision.

C’est plus fort que nous, nous devons trouver du sens à ce qui nous arrive. Cela ne nous pousse pas toujours au bon endroit, mais nous avons au moins le réconfort de choisir en quoi croire. C’est ce qui nous définit. La construction identitaire est faite de choix. Par delà nos désirs nous avons toujours la possibilité de choisir. La conscience peut nous élever au stade de bonheur, ce qui revient à être dans l’état où nous sommes en total accord avec nos choix. En ayant balayé les prisons du passé, les peurs du futur, l’aliénation du regard des autres, l’étroitesse de notre espoir et toutes ces entraves à la découverte de soi, nous pouvons entamer notre voyage et comprendre qui l’on veut être.

C’est ici, pour moi, que la limite entre la psychiatrie et la thérapie se situe. La psychiatrie va s’occuper de ces personnes qui sont nées avec cette faille ou l’ont développée. Ces dernières ne répondent plus à cette quête de logique, de sens, qui servirait à trouver notre place. Ainsi, leurs comportements ne pourraient plus être “compréhensibles”, ils seraient dépourvus de la volonté d’être soi, d’être en accord avec sa raison.

Bien sûr, rien n’empêche la complémentarité de la psychiatrie et des autres thérapies. L’exposé que nous faisons ici ne s’attarde qu’à une différenciation méthodique des ces deux soins, et un patient n’est pas seulement défini par un seul de ses problèmes.

Dans la thérapie dite “douce”, nous allons nous attarder sur ces fameux mécanismes que le patient a dû mettre en place afin de faire sens avec ce qui lui est arrivé. Pour la plupart, ces mécanismes sont inconscients, mais bien souvent ils ne sont que très légèrement enfouis. Seul un déni structurel pourrait empêcher le patient d’en prendre conscience, tant leur impact est conséquent. Tout réside dans le choix. Afin de pouvoir se construire, le patient doit être soulagé de tout ce qu’il subit. Subir est à l’opposé de choisir.

Afin de justifier un événement traumatisant, l’être humain va devoir lui trouver une raison : “On m’a fait subir cela car je le mérite”, “j’ai dû vivre cela car les autres sont foncièrement mauvais” … Pour que la justification soit acceptée il faut lui donner le pouvoir de la véracité. Une fois cela effectué nous sommes bons pour continuer. Maintenant il faudra avancer avec ce nouveau principe en place dans notre système. L’écrasante soumission prend alors secrètement sa place. Le but de la thérapie sera donc de percer à jour ces mécanismes inconscients et de dévoiler les raisons de leur présence. Il n’y a que de cette façon que l’on peut les supprimer, car les extirper de l’inconscient du patient ne suffit pas.

Nous sommes des êtres de raison. Le travail que la patient va devoir produire durant les séances servira à comprendre pourquoi il a mis en place ces mécanismes. Il essaiera alors de percevoir leur influence, afin de se conférer le pouvoir de passer aux filtres de son identité les choses de la vie, ce qu’il sera amené à traverser, et ce qu’il sera amené à provoquer.

Il est important de clarifier cette frontière entre la psychiatrie et la thérapie “douce” car en ce qui nous concerne nous aimerions trouver une explication, et, si possible, une piste de réponse pour les Hikikomori qui souffrent eux aussi de la radicalisation de leur pathologie.

Jusqu’ici il m’a été permis d’écouter et de suivre le parcours d’un certain nombre de Hikikomori. Une des conclusions que j’aimerais mettre en avant est que ces personnes ne sont pas folles ! Je tire le trait avec cet adjectif exprès pour marquer mon idée. Ces individus ont une logique, leur comportement a du sens et il est justifié, à tel point que bon nombre de parents ne savent pas quoi répondre tellement les choix de vie de leurs enfants peuvent être compréhensibles. Les hiki ne sont pas réfractaires à la société par plaisir, ils peuvent pour la plupart nous expliquer les raisons qui les poussent à s’en détacher, et même à la fuir. Alors que leur répondre ? En tant que thérapeutes nous n’avons pas à donner notre avis sur les choix ou les décisions qui passent par le mécanisme communément appelé “jugement de valeur”. En effet, il serait peu constructif de dicter des choix tout faits et universels, cela reviendrait à vouloir construire une société uniforme et sans saveur. En revanche, c’est ici que notre travail prend tout son sens. Il est de notre responsabilité d’arriver à déceler les paradoxes du patient. Comme dit précédemment, notre passé peut nous pousser à mettre au mauvais endroit des peurs, des regrets, en somme : des traumatismes, qui nous guident et nous éloignent de notre désir “pur”. Dans la pratique, cela se concrétise, par exemple, lorsqu’un patient nous fait part d’une explication, d’une justification d’un comportement, alors que ce dernier le rend malheureux. Sa volonté première, qui est d’être lui-même, et donc heureux, est retenue par un mécanisme construit de toutes pièces qui va le mener à une négation de son désir et donc à un paradoxe entre son comportement et sa volonté.

Nous avons tous un chemin unique, ce qui fait que nous avons tous un mécanisme lui aussi unique et personnel. Évidemment, il y a des récurrences dans le parcours des Hikikomori. Il y a pour la majorité une base sensible, des enfants émotifs, perspicaces et demandeurs de sens. Et à un moment un choc, un traumatisme. Mais derrière ce mot il y a une histoire, des personnes impliquées, un contexte particulier et donc une unicité à chaque personne. Pour la plupart, ce choc est signe de perdition. Perte de sens, d’espoir, d’amour, de croyance… Ce moment de leur vie vient fracasser toutes leurs questions et vient imposer une réponse lourde, aux apparences intouchables : “Tu es trop faible pour ce monde et celui-ci n’a que faire de ta place, de l’histoire que tu comptes y ajouter”. Derrière cette réponse (qui se veut être large) il y a l’abnégation, l’abandon d’être soi et donc la réclusion. Le poids énorme d’une réponse si claire vient écraser les jeunes ambitions encore si floues d’un Homme en construction, et le condamne à perpétuité à l’exil du monde, mais surtout à l’exil de soi.

Le but de cet écrit est de redonner aux Hiki leur juste place, alors qu’ils subissent les feux de l’ignorance et l’ambition économique toujours plus grandissante de certains, au détriment d’une ambition scientifique et humaniste.
J’espère vous avoir donné des pistes à explorer afin de mieux comprendre toutes ces personnes qui subissent le monde sans avoir la chance d’apprendre à l’aimer. Je pense que c’est dans cette direction que le suivi thérapeuthique devrait s’inscrire : démonter les mécanismes inconscients aux allures de vérités immuables, pour ensuite essayer de prendre goût à l’autonomie de la découverte du monde et de soi.

Galibert Corentin psychanalyste

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3 thoughts on “Quel suivi pour quel patient ? Qu’est ce qu’un patient Hikikomori ?”

  1. Bonjour,je vous écrit car je ne sais plus comment réagir avec mon fils,en résumé,DEUX TS suivie par un psychologue et pedopsychiatre,il était âgé de 15 ans,reclue dans sa chambre mais scolarisé dans un établissement spécial,il a eu son BAC,devait rentré dans un lycée, il a fait une semaine, c est descolarisé,vit que dans sa chambre et dans le noir .Quand j’essaye de parler avec lui ,il ne veut pas entendre.
    Il est âgé de 21 ans ,n à aucun statut social.
    Je ne sais plus comment faire et comment réagir, il se ferme à la discussion.

  2. Blaffa, il y a des points qui me font penser à moi
    Je pense qu’il faudrait qu’il s’ouvre, qu’il dise ce qu’il ressent

    Courage à vous deux ♥

  3. Pour Mr Galibert Corentin psychanalyste :
    L’objectif de vouloir déloger les traumatismes, pour mieux comprendre les mécanismes qui poussent à se renfermer sur soi-même, ne serait ce pas aussi dangereux pour certaines personnes, qui justement ont toujours cherché à taire les voix/questions qui leur rappellent pourquoi ils en sont là ? Moi-même, j’ai débloqué des choses que j’avais enfouies afin de ne plus revenir dessus. Mais malgré tout, il m’arrive encore de me prendre de plein fouet pourquoi j’en suis là. Chercher à leur faire face, pour pouvoir avance, c’est un combat hyper violent émotionnellement. Quand ça m’arrive, je peux devenir violent envers moi-même.
    Je ne dis pas que l’idée est mauvaise, disons qu’il est fort possible qu’il n’y a pas que ça, que cette façon de faire pour permettre à tout un tas de personnes de s’en sortir, s’y, c’est ce qu’ils souhaitent en leur for intérieur.

    -Il y a des personnes qui vont réagir/avoir le déclic en les poussant dans leur dernier retranchement.

    -Ceux à qui on va secouer leur vie, changer toutes leurs habitudes, afin de casser les mécaniques qui les amènes à leurs habitudes et ainsi leur apprendre à marcher différemment pour ne plus revenir en arrière.

    -Ceux à qui on va travailler sur leurs traumatismes dans le but de démantelé les phobies, les peurs, les personnes toxiques a ne plus fréquenter, apprendre à se détacher des personnes qui oppressent, étouffes, freines. Et se créer un entourage qui apporte plus de valeur à la vie.

    -Il y a ceux, qui ont un fort besoin de soutien, d’appuis, qui ont besoin de savoir que leur vie peu avoir du sens, peu avoir une utilité, peu avoir accès à l’amour, savoir que l’on compte vraiment pour quelqu’un.

    Forcer une personne à se rappeler pourquoi et comment en est-elle arrivait là, sur le papier, de la bouche de quelqu’un qui s’exprime avec le sourire, c’est alléchant, on a envie que ça marche. Mais une fois de retour à la maison, seul face à soi, ou après avoir raccroché, se retrouvant seul face à soi. C’est un peu comme ci, on, vous montrez une photo d’un beau paysage en vous disant : “ceci peut être à vous ! il suffit que vous le désiriez absolument. Tout ce que vous avez à faire est de faire le nécessaire.”
    Mais seul face à soi, tout ce qui reste, c’est le vide. Car on n’arrive pas à se soutenir soi-même. Et puis comment ça marche de se soutenir soi-même. Les personnes qui ont une telle volonté de bouger, de faire les choses, pensent qu’ils n’y mettent pas du leur, qu’ils sont fainéants, qu’ils ont toujours besoin qu’on les aide, qui n’ont aucune volonté, même qu’il est possible que finalement, ils aiment leur situation et ce qui leur fait peur est d’en sortir.

    Je pense qu’il y a une part de vrai et une part de faux. Habituer à vivre ainsi, sans que personne, nous ennuis, juste payer ses factures dans les temps, faire un peu de course et s’enfermer jusqu’au mois suivant. Changer de vie, signifie accepter de prendre le risque de se retrouver face à l’une des situations qui a poussé à se retrancher. Signifie se mettre à nouveau en danger, rencontré des gens, discuter avec eux, se forcer à rire parfois de leurs blagues vaseuses/déplacés, ou alors, on est jugé de coincer, écouter leur jugement, leur avis sur nous et acquiescé pour éviter de se prendre la tête avec.

    La tranquillité ne demande pas le moindre effort, ni même de mentir dans nos attitudes face aux autres, pour éviter un conflit qu’on n’a pas demandé. Alors oui, peut-être que quelque part, on est tout ce que l’on nous accuse d’être, pour avoir la paix. Et pourtant on aimerait que tout se passe différemment.

    Mais dans ce monde et dans cette vie, c’est impossible, on est forcément obligé d’avoir différentes personnalités pour plaire à tout un tas d’individu. La famille, la famille de notre partenaire, les amis, la famille des amis, le voisinage, au travail, les collègues, le patron, le groupe d’amis d’un ami/e. Une fois chez soi, on est enfin libre d’être soi. Mais je pense que si les gens qui ne supportent pas d’être seul, de s’enfermer, toute la journée, à jouer différent rôle, doivent être fatigué. Certain finissent par changer et ne se reconnaissent plus, préférant la personne qu’ils ne sont pas à celle qui n’attire pas ceux qu’ils convoitent de fréquenté. Rentré dans le moule, faire partie du clan, tout pour éviter d’être isolé, mis à l’écart, un paria.

    Et à partir de là, les critiques, les jugements sur les uns et les autres sont forcément les mêmes que le moule dans lequel on veut être. De là vient les ont dits dans le dos, on veut faire confiance au moins à quelqu’un, mais tout le monde joue un rôle, tout le monde fait semblant, malgré tout, on a tout de même besoin de parler à quelqu’un, mais c’est un piège de cette société. Du coup, le monde dans lequel on demande à des personnes qui s’isole d’aller, est un monde peuplé de faux, de menteurs, d’acteurs, et de langue de vipères. Et on appelle ça, la norme. Soit, on s’adapte, soit on n’intéresse personne. (Bien sûr, ceci n’est qu’une interprétation de ma part, qui explique que je n’ai aucune confiance ou n’aime les humains. Car nous sommes une race fourbe, prêtes à tout pour obtenir ce qu’on veut.)

    Qu’est-ce qui dérange tant la société d’être qui on est vraiment ?

    Désoler pour le pavé.

    Prenez soin de vous.

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